vendredi 21 octobre 2016

MOHAMED ABDALLAH Ly CHERCHEUR SOCIO- LINGUISTE A L’IFAN « migrer est nécessaire à tout homme »

La mondialisation a diversifié et intensité les déplacements de population sur la planète à partir des années 80. Le chercheur Mohamed Abdallah Ly porte son regard de linguiste et de sociologue pour décrypter le phénomène. 

Vous soutenez que le désir d’émigration n’est pas seulement lié à des raisons économiques. Que voulez-vous dire par là et quelles sont les autres causes de départ ?
Nous approchons souvent cette question en nous limitant à des motivations économiques, géopolitiques ou étudiantes. Malheureusement, nous ne nous  questionnons  pas assez sur les autres désirs, de nature plus anthropologique. 
Je me suis intéressée au désir qui habite la personne et la pousse à voir l’émigration comme une manière de se réaliser. Je pense à ce jeune sénégalais. Il racontait que rester au Sénégal, c’était rester un individu en puissance, non encore épanoui dans sa plénitude. C’est en voyageant, et en découvrant un  autre vécu, en rencontrant de nouvelles personnes, que nous captons en nous nos ressources et nos potentialités latentes et que nous nous réalisons finalement en tant qu’individu. En somme, les gens migrent pour apprendre, se réaliser, s’enrichir etc.
A ce sujet, il est important de noter est que les pays européens établissent des politiques sécuritaires très dures mais ils développent en même temps des stratégies qui permettent à leurs étudiants de parcourir le monde. C’est la preuve que la migration est nécessaire à tout homme, quelle que soit ses origines.
Quel regard portez-vous sur l’émigration ?
Pour vous répondre, je pourrais analyser mon propre parcours de Sénégalais qui est allé en France pour y faire toutes ses humanités, son cursus académique. Je suis parti en 1996 et jusqu’en 2000, je pouvais faire une narration positive de ce parcours. J’ai appris à aimer mon pays et l’Afrique d’une manière générale. L’émigration m’a permis de découvrir le monde par la rencontre de personnes venues de tous les coins de la planète.
Mais à partir des années 2000, de nouveaux événements interviennent. Il se produit une « droitisation » en France avec l’arrivée de Jean Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle française. Les émigrés ont subi de plein fouet cette droitisation. S’y ajoute les attentats du 11 Septembre 2001 aux Etats-Unis. A partir de ce moment, une méfiance des étrangers a commencé à s’exprimer dans certains milieux médiatiques, politiques ou de la société, qui se traduisait dans les difficultés pour les immigrés à trouver un logement, par exemple, ou dans des scènes de la vie quotidienne tout simplement.

Ce climat de tension en décourage-t-il  certains d’émigrer ?
A mes yeux, le désir de partir est toujours vivant, et plus fort que les crises économiques en Europe et les politiques sécuritaires qui peuvent constituer des obstacles à cette migration humaine. Rappelez-vous, à la fin de l’année nous avons vu des files d’attente interminables devant les ambassades et les structures officielles pour déposer des demandes de visas.

La migration Nord-Sud est plus connue alors que les déplacements Sud-Sud sont plus importants, pourquoi ?
C’est la surmédiatisation et la politisation qui sont en cause. En Europe, la tournure droitière de certaines politiques ou d’un certain nombre de programmes électoraux mettent l’accent sur ce qu’ils appellent un danger migratoire. Même la question de l’islam qui s’installe au Nord et qui fait polémique. Au Sud aussi, certains acteurs politiques et de la société civile ont tendance à criminaliser ou à stigmatiser la migration. Ils cherchent à capter des fonds pour mener des actions de sensibilisation et amener certains jeunes à rester. Il faut aussi souligner que la migration sud-sud  est moins contestée par les pays d’accueil, elle fait donc moins parler d’elle. 

                                                                                                                                                     


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